Il y a quelques années, j’étais convaincu que mesurer la valeur délivrée en utilisant des value points étaient une bonne idée. Et bien vous savez quoi, je pense aujourd’hui que c’est une mauvaise idée car l’optimisation de la valeur délivrée ainsi est faible.
L’idée de base
A chaque nouvelle demande, je demandais à un représentant « métier » de donner un note relative de valeur (exemple : 1,2,3,5,8,13,..). Cela aidait à la priorisation des demandes. Je pense toujours que cela aide à la priorisation, mais cela s’arrête là car c’est le début des difficultés. Une fois que j’ai délivré en production ma demande estimée à 5 value point, quelle est la valeur réelle ? Dans la pratique, je ne sais pas faire et j’ai donc tout le temps la valeur théorique égale à la valeur réelle. Ça me chatouille un peu de me dire que je suis le pro des estimations et que je ne me trompe jamais. Ensuite, quelles sont les décisions que je peux prendre grâce à ma valeur relative ? Cela m’aide à mieux prioriser et là je suis convaincu. Est-ce que j’arrive à m’en servir pour prendre des décisions business ? Là je suis beaucoup moins convaincu. Je n’ai jamais vu un projet arrêté grâce à l’utilisation des value points.
L’idée adaptée
Je reprends du début, quelles sont les décisions que je veux prendre par rapport à la valeur délivrée ? Est-ce que cela m’intéresse de savoir si ce que j’ai livré sert comme prévu ? si c’est pour savoir le montant de mon variable, je dis oui. Je préfère poser la question différemment, dois continuer à investir de l’argent dans cette fonctionnalité ? En posant la question ainsi, je tire le postulat que je vais mesurer beaucoup au début et moins ensuite. Il n’est pas très utile de mesurer beaucoup à la fin car je n’ai plus de décision possible.
La mise en place
Je vais réussir à délivrer le plus de valeur possible à partir du moment où je ne vais parfois rien faire du tout. Avant chaque demande, je vais donc essayer de comprendre comment je saurais que c’est un succès comprendre que j’ai mis la bonne solution en face du bon problème. Je vais partir sur des indicateurs 3A (Actionable, Auditable, Accessible) d’Ash Maurya. Je peux mesurer n’importe quoi, mais je veux surtout définir la mesure qui me permettra de prendre ensuite une décision business comme « Je continue », « Je pivote » ou « J’arrête ». Je considère aujourd’hui que je suis dans une organisation mature en gestion de la valeur quand j’entends que des initiatives sont arrêtées parce que la valeur délivrée n’est pas en phase avec la valeur attendue. La plus grosse source d’optimisation est bien de ne pas faire ce qui ne devrait pas l’être.
Pour aller plus loin
Dans le paragraphe précédent, je pars plus du principe que je vais utiliser un indicateur non financier pour savoir si une initiative va dans la bonne direction. Cela est utile au sein de l’initiative, mais il est plus dur de comparer des initiatives entre elles car cela revient à comparer des choux et des carottes. Je peux partir de la notion de ROI pour mesurer la valeur délivrée. Pour cela, je vais devoir faire le lien entre la stratégie (le business plan de départ) et l’exécution (le product backlog). C’est là que cela devient compliqué. Je dois être capable de faire le lien entre un livrable et une ligne du business plan. Pour cela, je vais devoir être capable de trouver des proxy-indicateurs pour faire le lien avec les lignes du business plan.
Prenons un exemple simple, je vais gagner 100k€ car les utilisateurs vont passer moins de temps sur l’application avec la nouvelle ergonomie. Je considère que les 100k€ repose sur un saisie de contrat qui passe de 10 minutes à 5 minutes. Je vais donc mesurer après livraison le temps de saisi d’un contrat. Si le constaté est de 7 minutes 30 secondes, je n’ai en fait gagné que 50 k€ . Cela peut m’aider à savoir si je continue le projet de refonte de l’ergonomie.
J’ai déjà par le passé commencer par mettre en place les sondes qui permettaient de valider les hypothèses sur lesquelles reposaient la valeur. Dans un cas, les mesures ont montré que l’initiative n’avait pas d’intérêt. Il s’agissait d’un scénario d’usage dont le taux d’utilisation était en réalité bien inférieur à l’hypothèse.
A l’ouest du far west
Il s’agit plus de donner des pistes de réflexion pour l’avenir. La limite du ROI, c’est que cela ne prend pas en compte l’effet retard (cost of delay). Que se passe-t-il si je ne le fais pas aujourd’hui mais demain ? Pour certaines initiatives, cela ne change rien. Pour d’autres, le gain peut être nul si on rate la bonne fenêtre de tir.