Rémunération libre
Proposition pour un partage innovant de la valeur et des risques

Voici une formalisation d’un modèle de rémunération basé sur une rémunération libre, choisie par les salariés.

Avant-propos

Définitions

Avant de commencer nous souhaitons établir un vocabulaire commun afin de nous accorder sur la signification des mots que nous allons employer.

Rémunération

La rémunération regroupe un salaire, des avantages, une part variable et une répartition des bénéfices.

Salaire

Selon l’INSEE : le salaire est le paiement du travail convenu entre un salarié et son employeur.

Avantage

Un ensemble d’éléments payés par l’entreprise, que le salarié peut librement utiliser à titre personnel comme un téléphone portable, une voiture, des livres ou un abonnement ADSL.

Variable

La part variable de la rémunération représente l’ensemble des primes, commissions et la participation aux bénéfices.

Nous distinguerons par la suite, dans notre proposition, la part variable du salaire et la participation aux bénéfices.

Persona

Un Persona est une personne fictive qui représente un groupe cible. Lors de la construction du persona, cette personne fictive se voit assigner une série d’attributs qui enrichissent son profil pour mieux exprimer les caractéristiques du groupe cible. Grâce à ces caractéristiques, les équipes de conception (designers) créent des scénarios d’utilisation d’un produit ou d’un service tandis que les équipes commerciales définissent une stratégie de positionnement, de promotion ou de distribution de ce même produit ou service.

Entretien 360°

Le 360° est une méthode de diagnostic réalisée en interne par la direction des ressources humaines de l’entreprise ou par un consultant extérieur, consistant à faire évaluer les comportements d’un individu par son supérieur hiérarchique, ses collaborateurs, ses subordonnés, ses clients internes ou externes, et ses fournisseurs et partenaires. L’évalué sélectionne lui-même les participants à son évaluation.

Conventions typographiques du document

Dans la suite du texte, les règles typographiques suivantes seront respectées :

Les modes de fonctionnement actuels sont mis en avant de cette façon dans le texte ci-dessous.

Les règles applicables à notre modèle de rémunération sont indiquées comme cela.

Les éléments laissés à la discrétion de l’entreprise sont identifiés dans le reste du texte de cette façon.

Les systèmes de rémunération actuels

Aujourd’hui, la rémunération et l’entretien annuel répondent à un ensemble de besoins allant de la nécessité de faire vivre le salarié et sa famille à la motivation de ce dernier en passant par la reconnaissance de ses compétences tout en garantissant à ce dernier un plan d’évolution qui s’appuie sur des moments de prise de recul réguliers.

Aujourd’hui, la rémunération est un moyen :

  • d’exprimer de la reconnaissance (de la valeur, sociale, de l’expérience, de l’investissement de la personne, de la progression de la personne, etc.) ;
  • de maintenir la motivation des personnes ;
  • de créer l’attractivité de l’entreprise afin d’attirer les talents.

Aujourd’hui, les évolutions de rémunération sont soumises à des facteurs de variation tels que :

  • La personne ou les personnes en charge de la décision les prennent en toute subjectivité car il s’agit d’un jugement. Et celui-ci peut être fait avec des informations plus ou moins complètes et dans tous les cas teintées d’une interprétation naturelle et peu maîtrisable. Ces personnes en charge de la décision sont aujourd’hui un ensemble restreint d’acteurs de l’entreprise (direction, managers, syndicats, RH, comité de rémunération, clients, etc.).
  • La décision peut être prise “à la tête du client”.
  • La capacité de négociation des salariés influe sur le montant de leur rémunération.
  • Le niveau d’intimité du salarié avec son ou ses évaluateurs influe également.

L’entretien annuel tel qu’il existe permet de :

  • prendre du recul sur l’année écoulée : faire un bilan connu du salarié, des collaborateurs, du management, etc. ;
  • mesurer : l’évolution de l’expérience, des compétences, l’adéquation entre la personne et son rôle dans l’entreprise, etc. ;
  • planifier : définir les évolutions dans l’entreprise et les formations ou autres moyens d’accompagnement de cette évolution ;
  • fixer les objectifs individuels pour l’année à venir.

Nous partageons les écueils constatés liés au système actuel. Dans un souci de concision et de clarté, la suite du texte risque d’être formulée de façon très directe. Nous espérons que vous ne vous en offusquerez pas.

Les principaux effets du système tel qu’il existe (qui sont souvent inconscients car les personnes n’ont pas ces comportements de façon volontairement opposée à la structure) :

  • Une tendance à faire ce que dit celui qui va évaluer pour lui plaire ce qui a plusieurs effets :
    • ne pas remettre en question ce qui est affirmé ;
    • ne pas remonter les risques même si on les voit ;
    • ne pas chercher d’autres méthodes ;
    • s’éloigner du but commun initial ;
    • se mettre des oeillères pour faire plaisir.
  • Une tendance à être en compétition avec ses collègues pour bénéficier de la plus grosse part du gâteau.
  • Une tendance à ne pas partager les savoirs pour garder son avantage “concurrentiel” dans la société.
  • Une tendance à jouer pour soi et non pour l’organisation dans son ensemble.
  • Une tendance à prendre des engagements pour faire bonne figure et à déserter avant que les résultats ne se voient. L’intérêt reste personnel et non organisationnel.

Le système de rémunération actuel engendre une culture de la peur dont quelques symptômes sont représentés dans le schéma ci-dessous. La performance du collectif se trouve alors impactée.

Notre proposition en quelques mots

Nous voyons la rémunération, comme le mécanisme de répartition des risques et des richesses créées par l’entreprise.

Dans ce genre de système, il faut souvent prendre des décisions soit égalitaires (tout le monde pareil), soit justes (en fonction des besoins / contributions de chacun). Nous avons fait le choix d’avoir un salaire différencié pour que le système soit juste. En revanche, nous avons décidé de faire une redistribution des bénéfices sur un mode égalitaire.

Notre proposition s’applique à tous les travailleurs de l’entreprise (travailleurs salariés et travailleurs non salariés). C’est un point important pour la création de confiance.

Notre intention avec notre proposition est de favoriser l’esprit d’équipe pour créer de la performance collective qui bénéficie à l’ensemble des individus.

Notre maison de la rémunération du XXIème siècle est décrite dans la suite du document en suivant la composition des briques.

Les fondations de la maison constituent nos croyances que nous voulons aussi renforcer par notre proposition. Retirer un de ces fondamentaux ou le laisser se détériorer met en péril la viabilité du système et donc les résultats que nous en attendons.

Comme souvent c’est surtout la philosophie plus que les pratiques qui sont importantes.

  • La transparence est un élément qui permet de créer un climat de confiance et d’échange. Dès lors que tout le monde dispose de l’information, une discussion constructive est possible.
  • La responsabilité de chacun des salariés dans le choix de sa rémunération mais aussi dans ses actions de tous les jours. En effet, le salarié disposera d’une meilleure compréhension du flux financier de l’entreprise et des contributions de chacun. Il sera alors en capacité d’évaluer l’impact des actions quotidiennes et de prendre des décisions raisonnées pour le bien de l’ensemble de l’entreprise et donc pour soi.
  • La pression sociale permet de garder une homogénéité au système et d’inciter à gommer les écarts à l’excès (dans un sens ou dans l’autre)
  • L’intérêt du collectif est le seul qui prime. Lorsque le collectif gagne, chaque individu en bénéficie. L’entreprise fonctionne alors de façon collaborative.
  • L’équité est importante pour que chaque individu se sente à sa place dans un groupe où chacun est “traité” de façon équitable.
  • L’homme est bon : comme disait Rousseau, “L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt”. Si l’entreprise lui fait confiance, qu’il a un véritable sentiment d’appartenance au groupe, que les règles sont claires et partagées, alors l’homme fera tout pour la réussite de son groupe sans jamais nuire au groupe.

Nous proposons un système de rémunération qui s’appuie sur 3 composantes :

  • un salaire fixe défini librement (justice des contributions) ;
  • complété d’une part variable choisie par le salarié (répartition entre variable et fixe défini lors du choix du salaire fixe) ;
  • complété d’une redistribution des bénéfices en fonction du temps de présence dans l’entreprise.

Les modalités d’évolution du salaire à la hausse ou à la baisse sont décrites dans le paragraphe “Les variations de salaire”.

Notre proposition de système de rémunération est complétée d’un ensemble d’éléments qui visent à maintenir l’intérêt collectif et de l’individu mais par un autre moyen que celui qui est utilisé aujourd’hui. Ces éléments sont décrits dans nos paragraphes dédiés à “La motivation“ sur laquelle s’appuient les éléments tels que “La reconnaissance“, “La prise de recul“ ou encore “L’évolution du collaborateur“.

Nous décrivons également un processus possible à l’embauche et à l’intégration pour permettre au nouveau collaborateur une acclimatation à ce nouveau système.

Dans ce nouveau système les attentes des salariés vis-à-vis de leurs managers ou de leurs fonctions support telles les ressources humaines (RH) sont différentes. Cela est décrit dans un paragraphe dédié : “Les attentes des salariés vis-à-vis des entités RH et du management“.

Les grands principes qui ont guidé notre réflexion dans la construction de ce système et dans lesquels nous croyons pour atteindre les enjeux de votre demande (progression personnelle et performance collective) sont :

  • Le mécanisme de répartition doit être compris et accepté par tous les acteurs de l’entreprise pour être volontairement appliqué par l’ensemble des collaborateurs.
  • Les décisions sont prises par l’ensemble des personnes concernées pour obtenir responsabilisation et liberté de chacun.
  • Les informations permettant de prendre les décisions sont disponibles pour tous ceux qui doivent les prendre, c’est la transparence.
  • La pression sociale est utilisée pour la régulation des “mercenaires1” ou écarts de jugement (sous-estimation ou surestimation).
  • La notion de performance individuelle est totalement supprimée. Les efforts sont concentrés sur la création d’une performance collective redistribuée de façon égalitaire sur l’ensemble des salariés.
  • Les salariés ont la possibilité de choisir, de partager ou non les risques de l’entreprise en fonction de leur situation économique, de leur attrait pour le risque et de leur volonté.
  • Nous espérons amener les salariés à être plus acteurs de l’entreprise.

Dans la définition de notre système nous avons veillé à ce que :

  • La rémunération globale soit cohérente avec le marché du travail car la grille de salaire est définie par l’ensemble des salariés : leur salaire est choisi dans cette grille.
  • Nous n’avons pas les compétences juridiques et fiscales mais nous avons intégré celles que nous connaissons et nous laissons le soin aux comptables et fiscalistes de l’entreprise d’en vérifier la cohérence globale.
  • Le système permet la pérennité pour l’entreprise et ses salariés, par la possibilité de chaque salarié de définir un salaire variable, et ainsi partager les risques.

Ce dernier point implique 2 axes de réflexions :

  • L’entreprise : la rémunération doit être compatible avec son besoin de trésorerie et d’investissement.
  • Le salarié : la rémunération doit permettre de vivre sans se poser de question. Une fois les problèmes matériels écartés, il est beaucoup plus facile de s’épanouir dans son travail et d’apporter ainsi un maximum de valeur à l’entreprise.

Tout ce que nous proposons peut être réalisé dans le temps de travail des salariés. Le temps de travail est celui déclaré par les salariés, ce qui souligne la nécessité de confiance et de transparence pour la mise en œuvre de ce système.

Le système de rémunération

Dans le système habituel de rémunération, le salarié ne peut pas changer sa rémunération. La régulation des salaires est faite par l’équipe dirigeante.

Dans le système que nous proposons, la régulation se fait différemment.

Notre proposition vise à réguler les salaires par la transparence et la pression sociale du groupe. La pression sociale s’exercera dans les deux sens, sur-estimation ou sous-estimation de son salaire.

A l’extrême, un salarié qui joue contre son entreprise en prenant une rémunération intolérable pour les autres salariés pourrait se voir exclu de l’entreprise.

La direction et les RH dans ce mode de fonctionnement basculent sur un rôle d’animation des valeurs et de la vision pour garantir la cohésion du groupe, afin que les décisions individuelles soient cohérentes pour l’organisation.

Nous pensons en particulier que dans cette situation, les RH doivent pouvoir conseiller et expliquer les rémunérations de chacun.

Les trois composantes de la rémunération

Le salaire Fixe

Le salaire fixe est libre et défini par chaque salarié sur la base d’une grille de salaire.

La grille de salaires est, comme nous l’avons dit précédemment, définie par l’ensemble des salariés.

Ci-dessous une proposition de grille de salaires à modifier par l’ensemble des salariés :

Niveau Salaire Niveau Salaire
A 1500-1600 G 4500-4600
B 2000-2100 H 5000-5100
C 2500-2600 I 6000-6100
D 3000-3100 J 7000-7100
E 3500-3600 K 8000-8100
F 4000-4100 L 9000-9100

La grille de salaires pourrait être étayée de persona permettant aux salariés de se comparer et de se situer sur l’échelle et ainsi de se positionner par rapport à un niveau de salaire qu’il estime juste pour lui et pour l’entreprise.

L’entité accompagnant le salarié est à définir par l’ensemble des salariés.

La RH (ressources humaines) ou une autre entité (communauté de pairs) pourra aider les salariés à se positionner dans la grille.

Un tel système, où le salarié choisit son salaire nécessite de disposer des informations et des outils pour évaluer l’impact sur l’entreprise du choix du salaire ; nous pressentons la nécessité de disposer d’un outil pour faire des simulations pour aider les salariés à prendre les décisions.

Les éléments clés de l’entreprise (CA - chiffre d’affaire, charges, totalité de l’enveloppe de rémunération des salariés (salaire fixe et variable), etc.) qui permettent de prendre des décisions sont rendus publics également.

C’est un élément important de transparence qui permet de réguler les salaires. Cela demande de la pédagogie de la part de la direction ou de l’entité en charge du suivi financier de l’entreprise pour donner cette visibilité et cette conscience aux salariés. Cela demande aussi de construire un vrai climat de confiance dans l’ensemble de l’entreprise. Nous insistons sur ce point, car c’est à notre avis un risque majeur de notre système.

La position dans la grille de salaire est publique au sein de l’entreprise.

Il est fortement conseillé aux salariés de discuter entre eux pour s’harmoniser sur leurs salaires et éviter de mettre en péril l’entreprise2. Ce sujet est abordé de façon plus détaillée dans le paragraphe sur “Les variations de salaire”.

Le salaire Variable

Le variable : le salarié peut choisir de rendre une partie de son salaire fixe variable, pour prendre à sa charge une partie du risque de l’entreprise. En contrepartie, ce variable sera bonifié et sera payé avant la redistribution des bénéfices.

Le salarié a la possibilité de choisir une part de variable sur son salaire. Ce dispositif a pour but de prendre en compte une volonté individuelle de participer à la prise de risque. Cela se traduit par le choix d’une répartition du salaire issu de la grille entre salaire fixe versé tous les mois et un variable qui sera reversé à la clôture des comptes.

La réduction du salaire fixe versé mensuellement permet à l’entreprise de disposer de plus de liquidités. Lors de la redistribution des bénéfices en fin d’exercice, les personnes qui ont fait le choix de cette prise de risque sont “remboursées” en priorité ; ce “prêt” à l’entreprise est bonifié par un coefficient multiplicateur. Dans le cas où les bénéfices de l’entreprise ne permettent pas de couvrir les variables volontaires bonifiées, une répartition sera faite au prorata de la part de salaire “prêtée” par le salarié à l’entreprise.

Le coefficient multiplicateur sera défini par l’ensemble des salariés.

La redistribution des bénéfices

Aujourd’hui le variable est indexé sur l‘atteinte d’objectifs individuels et collectifs. Ce système favorise la compétition puisqu’à enveloppe de redistribution égale, celui qui en aura le plus est celui qui pourra justifier de l’atteinte la plus proche de ses objectifs. Cette évaluation étant subjective, il s’ensuit un jeu de séduction et de compétition (parfois inconsciemment) pour être celui qui “brille” le plus auprès de ceux qui vont prendre les décisions. La capacité à se vendre, à se marketer et à donner de la visibilité sur ses contributions influent sur la rémunération.

La redistribution des bénéfices se fait de façon égalitaire au prorata temporis.

En fin d’exercice, l’entreprise définit, explique et publie la répartition des bénéfices de l’entreprise entre :

  • les investissements ;
  • la trésorerie ;
  • la rémunération du capital ;
  • la redistribution des bénéfices.

Pour rappel, notre vision du système cible est un système à la fois juste et égalitaire. Le salaire fixe permet d’apporter de la justice car le salarié choisit un salaire cohérent avec sa contribution.

Notre proposition est de redistribuer les bénéfices au prorata temporis des salariés, sous une forme compatible avec la législation et la fiscalité (participation aux bénéfices, primes, PEE, etc.). Ainsi plus l’entreprise au global fait de bénéfices et plus chaque salarié bénéficiera d’une rémunération importante puisque sa part de bénéfice sera plus importante. Cette proposition doit permettre de favoriser l’engagement collectif, l’entraide et limiter les combats d’ego au bénéfice du collectif : On passe du “toi OU moi”, au “toi ET moi”. “Si tu gagnes, je gagne” au lieu de “si tu gagnes, je perds”.

C’est pourquoi, dans notre système, nous attachons autant d’importance au fait de ne pas découper la performance collective en éléments de performance individuelle.

Nous attirons l’attention sur le fait qu’une décision, ayant des conséquences sur l’enveloppe de rémunération des salariés, qui ne serait pas comprise par les salariés, risque d’avoir un effet très négatif dans le système que nous présentons. Cela risquerait en effet de mettre en péril le principe de salaire variable volontaire ainsi que la redistribution des bénéfices.

Ci-après le mécanisme global présenté via un exemple fictif.

Léo, Léa et Léonie ont tous les 3 choisi leur salaire dans la grille. Léon arrive en cours d’année (juillet) son salaire est négocié dans la grille.

Léo a choisi de ne recevoir tous les mois que 60% de son salaire en salaire fixe.

Léa a un plus grand besoin de liquidité dans son couple, elle vient d’avoir un bébé. Elle a donc choisi de prendre 80% de son salaire en salaire fixe.

Léonie a fait le choix de ne recevoir que 50% de son salaire en salaire fixe.

Ils laissent le reste dans l’entreprise pour en partager les risques.

Léon a été embauché en milieu d’année, il n’a donc pas de variable (cf. paragraphe “L’embauche et l’intégration”).

C’est la fin de l’année, le moment de faire le bilan financier. La société a fait une très bonne année, elle peut donc verser à nos 4 amis la totalité de leur part variable.

Part variable, accompagnée de la bonification correspondante, calculée en utilisant le coefficient multiplicateur décidé par l’ensemble des salariés.

Les résultats sont tellement bons, qu’il reste de quoi verser une redistribution des bénéfices à tous les salariés. Léon n’étant là que depuis 6 mois, il n’a que la moitié de cette participation.

Au final voici les rémunérations annuelles de nos quatre amis.

Les variations de salaire

Les variations de salaire sont de plusieurs natures :

  • soit globale ;
  • soit à l’initiative du salarié.

Globale : la grille peut être mise à jour.

A l’initiative de chaque salarié : il peut demander à changer de salaire quand il le juge nécessaire, à la hausse ou à la baisse.

Les principes de transparence et donc de pression sociale restent applicables. Ainsi comme précédemment, les RH peuvent être des partenaires de réflexion dans le choix du nouveau salaire. Leur intervention est complémentaire des échanges entre salariés. Nous encourageons donc les salariés à discuter des modifications de salaire entre eux pour s’harmoniser.

Point important, la transparence est réalisée en mode poussé : les modifications de salaires sont notifiées à l’ensemble des salariés.

L’ensemble des salariés peut définir des modalités plus précises de revue des salaires.

Voici quelques exemples :

  • Les revues de salaire seront réalisées ‘‘‘par chacun ‘‘’et un système de revue par les autres salariés est organisé (la possibilité de donner un avis, via un outil par exemple).
  • Les revues de salaire seront réalisées par chacun à des périodes clés définies.
  • Les revues de salaires seront toutes réalisées sur les mêmes périodes à la fréquence définie.
  • Des journées annuelles de revues des rémunérations regrouperaient tous les acteurs et permettraient de parcourir en groupe le processus de réévaluation pour le bénéfice de l’ensemble du groupe.

L’embauche et l’intégration

Notre système décrit également les modalités d’intégration d’un nouveau salarié venant d’un environnement où le système serait différent.

L’embauche d’un nouveau salarié se fera en utilisant la grille de salaire. Le salaire sera négocié durant le processus de recrutement, comme d’habitude.

Le système de rémunération décrit ici ne sera applicable qu’après une certaine période que nous appelons le “postulat”.

Cette période de “postulat” est une période d’acculturation du nouvel embauché à la culture de l’entreprise. Elle doit entre autre lui permettre de comprendre comment fonctionne le système de rémunération pour lui permettre de jouer avec les mêmes règles du jeu en toute connaissance de causes. Ici l’hypothèse est que la durée de postulat dure 12 mois.

La durée de ce postulat peut être soumise à une approbation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Le nouvel arrivant intègre l’entreprise en tant que “postulant” et conserve son salaire d’embauche pendant un an, le temps de comprendre le mode de fonctionnement et d’acquérir les éléments de référence lui permettant de se positionner dans la culture.

Nous pensons qu’il serait utile qu’un nouvel embauché soit parrainé pendant cette période par un salarié pour donner des clés de lecture sur le fonctionnement de l’entreprise.

Lors des échanges précédents l’embauche, l’explication de la rémunération suite à leur période de “postulat” peut être un élément d’attrait de nouveaux collaborateurs.

Les autres briques du système

Notre proposition précise concernant la rémunération s’arrête ici.

Les sujets suivants, adressés par le système habituel de rémunération ne le sont malheureusement que partiellement et de façon imparfaite. Dans notre proposition nous les dé-corrélons volontairement du système de rémunération pour pouvoir les travailler pleinement.

Le niveau de description des modalités suivantes restera donc assez macroscopique afin de vous permettre d’imaginer à quoi le système complet pourrait ressembler.

La motivation

Aujourd’hui le système s’appuie sur une prime obtenue sur atteinte d’objectifs individuels annuels.

Nous pensons que l’argent n’est que rarement une source de motivation. Cela peut être une source de démotivation quand le salaire est insuffisant pour couvrir les charges de la personne ou que les critères de répartitions sont ressentis comme injustes. Notre proposition de rémunération n’est donc pas basée sur cette croyance que l’argent implique la motivation.

Nous pensons que la motivation des salariés peut jouer sur d’autres leviers. Ci-dessous quelques exemples :

  • L’image de l’entreprise et sa notoriété pour pouvoir dire avec fierté : “Je travaille chez Spotify” au lieu de “je suis PDG et j’ai une voiture de fonction”.
  • Le cadre de travail (espaces de travail “sympa”, label “great place to work”, Gallup Q12, baromètre de motivation des équipes, etc.).
  • L’autonomie et les responsabilités que l’on peut exercer.
  • Les apprentissages que l’on peut explorer (technologiques, humains, etc.).
  • Les conférences et autres événements auxquelles on peut participer.
  • Les sujets sur lesquels on travaille (innovations, passions).
  • L’appartenance à des communautés internes.
  • Les relations que l’on a avec ses collègues (managers ou pas).
  • La possibilité de faire entendre sa voix en optant pour des modes d’organisation où tous ceux qui veulent s’exprimer en ont l’opportunité (Holacratie, Sociocratie, etc.).
  • Créer des espaces de discussion en face à face réguliers pour des sujets personnels en laissant au salarié le choix de son partenaire.
  • Créer des espaces d’échanges en groupe pour des sujets personnels, de montée en compétences ou pour les décisions qui impactent toute l’entreprise.
  • L’équité dans le traitement : que les règles soient claires et appliquées de la même façon par tous. Certaines organisations disposent d’une commission de discipline qui est chargée de résoudre, avec le salarié et un groupe de pairs, un écart aux règles convenues.

Attirer de nouveaux talents

Attirer les talents pourra se faire sur les mêmes critères que ceux de la motivation. Il est en effet dangereux, pour nous, d’attirer les talents avec une rémunération alléchante car cela attire des “mercenaires” qui ne partagent souvent ni les valeurs ni la vision de l’entreprise.

La reconnaissance

Aujourd’hui, la reconnaissance sociale peut passer par la représentation d’un statut dans l’entreprise et par des avantages en nature associés : “Je suis manager et j’ai une voiture de fonction”.

Dans une entreprise plus libérée, ce genre de médaille n’a plus lieu d’être. La reconnaissance vient directement de la satisfaction à participer à la réussite de l’entreprise. Liberté et confiance en soi permettent de transcender ces signes extérieurs.

Nous pensons que la reconnaissance sociale peut évoluer vers une reconnaissance liée à l’appartenance à une société (ex : je travaille chez SOL, SEMCO, Favi, etc.)

Les autres types de reconnaissance tels que la reconnaissance de l’expérience de la personne, de l’investissement de la personne, de la progression de la personne, etc. sont traités dans la prise de recul ci-dessous.

Être responsable et devenir autonome en respectant la ligne de flottaison (et donc ne pas mettre en risque l’entreprise) c’est être capable de prendre des décisions en connaissance de cause, en connaissant ses propres limites et celles des autres. Cela signifie être en mesure de reconnaître ce que chacun apporte, les autres autant que soi. Pour pouvoir évaluer ces apports, la prise de recul régulière suivants plusieurs axes est nécessaire. Et pour que ces prises de conscience soit partagées, savoir recevoir et donner du feedback est important. C’est un élément de culture dont le système aura besoin pour se pérenniser.

La prise de recul

Aujourd’hui réalisée lors de l’entretien annuel, la prise de recul est un bilan régulier fait par le salarié ou des collaborateurs (360°) ou le management direct afin de mesurer les évolutions en termes d’expérience, de compétences, d’évaluer l’adéquation entre la personne et son rôle dans l’entreprise, etc.

Nous préconisons de faire des prises de recul de façon plus fréquente et tout aussi régulière. Il s’agit alors de proposer au salarié différents dispositifs. Charge au salarié ensuite de prendre ses responsabilités et d’utiliser celles qui lui conviennent le mieux au service de la couverture de ses besoins et de son épanouissement.

Ci-dessous quelques exemples possibles de modalités de mise en oeuvre liées à la prise de recul :

  • auto-évaluation régulière par le salarié (en accompagnement ou seul) ;
  • échanges avec un binôme de confiance choisi par le salarié ;
  • faire partie de communautés de pratiques au cours desquelles des sessions de co-développement professionnel peuvent être réalisées ;
  • réaliser des séances de supervision ;
  • faire des 360° incluant les clients ;
  • mettre en place un système de recommandation interne / externe de ses collègues que le salarié peut activer chaque fois qu’il a pu constater par l’expérience une compétence avérée chez son collègue ;
  • mettre en place des rituels de célébration de réussites de l’entreprise ;
  • mettre en place des rituels d’apprentissage d’entreprise.

Remarque importante : les actions ci-dessus n’ont pas de périodicité, elles peuvent avoir lieu quand le salarié le décide. Il reprend ainsi la maîtrise de son rythme d’évolution et du sens de son évolution.

La RH et le management sont au service des salariés pour proposer, aider à choisir, échanger.

L’évolution du collaborateur

Aujourd’hui, lors de l’entretien annuel, des formations, coaching et autres parcours initiatiques sont définis pour accompagner le salarié dans son développement au service de l’atteinte de ses objectifs annuels.

Dans notre système, la responsabilité de son évolution est rendue au salarié. L’entreprise lui met à disposition un ensemble de dispositifs que le salarié peut décider d’activer ou non en fonction de ses besoins. Ces dispositifs lui permettent de définir ses prochains challenges, d’identifier les formations ou autres moyens d’accompagnement qui lui seront nécessaires pour sa progression.

Voici quelques exemples de dispositifs que l’on peut proposer aux salariés et qu’ils peuvent choisir d’utiliser, d’activer si et quand ils le souhaitent :

  • réaliser des entretiens avec des mentors internes ou externes à l’entreprise ;
  • faire intervenir des personnes extérieures pour témoigner des évolutions du marché, pour inspirer de nouvelles envies d’évolution, pour ouvrir de nouvelles perspectives ;
  • animer des sessions de remise en question de l’entreprise et de projection avec ses clients ;
  • participer au marketing de la société pour sentir de plus prêt les évolutions du marché (conférences, colloques, démarchage de prospects, etc.) ;
  • mettre en place un groupe de travail pour réfléchir et définir les formations stratégiques pour l’entreprise ;
  • mettre en place un budget de formation pour chaque collaborateur (comme cela se fait pour les abonnements téléphoniques, avec report de forfait) ;
  • mettre en place une commission d’aide que le salarié peut solliciter lorsqu’il traverse des moments difficiles. L’objectif de cette commission serait d’aider le salarié à sortir de sa situation difficile, tout en prenant en compte les contraintes financières de l’entreprise.

Les attentes des salariés vis-à-vis des entités RH et du management

Le système décrit montre que les attentes des salariés par rapport aux fonctions managériales et aux fonctions support seront différentes de celles qui existent aujourd’hui. Le salarié reprenant le pouvoir de décision et étant prêt à partager les risques et bénéfices de l’entreprise, ce qu’il va attendre de ces entités sera essentiellement :

  • de la transparence et de la pédagogie (explication de la grille, des persona, du mode de fonctionnement, de l’adéquation salaire/personne, etc.) ;
  • de l’accompagnement dans la réflexion et le choix pour le bien du salarié et de l’entreprise (définition de dispositifs de prise de recul, aide dans le choix des évolutions de carrière possibles, dans les choix d’outils de progression, échange sur les envies, mise en perspective, etc.).

Ainsi, la direction et les RH dans ce mode de fonctionnement basculent vers un rôle d’animation des valeurs et de la vision pour garantir la cohésion du groupe, afin que les décisions individuelles soient cohérentes pour l’organisation.

D’autre part, nous pensons qu’il faut être vigilant et accompagner de façon plus attentive les salariés ayant une faible estime de soi et qui pourraient se retrouver en difficulté.

Nos sources d’inspiration

  1. Michel Chaudy, Faire des hommes libres.

  2. Jean-François Draperi, Godin, inventeur de l’économie sociale.

  3. Daniel Pink, La vérité sur ce qui nous motive.

  4. Gravity payments, salaire unique à 70k$.

  5. La ligne de flottaison de Gore.

  6. Robert Sutton, Objectif zéro sale con.

  7. La politique salariale de Buffer et notamment sa transparence.

  8. Jurgen Apello, Holacracy, Sociocracy, Wirearchy, Crowdocracy, whateverocracy….

  9. FoodCoop et sa commission de discipline.

  10. Peter Senge, La cinquième discipline.

  11. Isaac Getz, Brian Carney, Liberté & cie.

  12. Frédéric Laloux, Reinventing organizations.

  13. Jean François Zobrist, La belle histoire de Favi : Nos belles histoires.

  14. Jean François Zobrist, La belle histoire de Favi : Tome 2 Notre management et nos outils.

  15. Shoji Shiba, Le management selon Shiba.

  16. Azaé, partage des risques avec le principe de variable volontaire, dans un contexte de travailleur non-salariés.

  17. Goood! comme inspiration de modalités de prises de recul et d’évolution du salarié.

Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement les personnes qui nous ont accordé une denrée rare et même très rare, qu’est leur temps, pour relire ce document et nous permettre d’en faire la meilleure version possible que nous sommes en mesure de faire. Un grand merci à :

  • Anne Dupérat : pour sa relecture attentive, ses remarques pertinentes et son encouragement à changer le monde.
  • Céline : pour son pragmatisme et son oeil bienveillant et pragmatique.
  • Claire Morin : pour avoir su trouver plusieurs risques de notre proposition pour certains salariés.
  • Hélène et Patrick Albiez : pour leurs corrections du style et l’apport de clarifications.
  • Michel Chaudy : l’auteur de l’ouvrage “Faire des hommes libres” qui avec sa connaissance de l’économie sociale et solidaire et sa connaissance des communautés de travail de Marcel Barbu a su nous challenger.
  • Pierre Salanon : l’homme aux convictions qui a su nous donner un retour objectif et franc sur notre proposition tant sur le fond que la forme.

Nous avons pu compléter notre proposition grâce à vous. Merci.


Notes:


  1. larousse.fr: “Qui ne travaille que pour un salaire, qui est inspiré par la seule considération du gain.” ↩︎

  2. Voir le concept de ligne de flottaison chez W.L. Gore en annexe ↩︎

Olivier Albiez

Je suis artisan logiciel et coach agile chez Azaé, passionné des méthodes de travail et de l’auto-organisation dans les entreprises. Curieux par nature, je suis toujours à la recherche de ce qui peut améliorer le travail collectif d’une organisation. Je suis récemment co-fondateur de Deliverous. Je suis signataire des manifestes Artisans du Logiciel et Agile.

Thomas Clavier

Je suis coach agile chez Azaé, enseignant à l’université de Lille 1 et co-fondateur de Deliverous, mes sujets de prédilection sont l’agilité, devops, docker, le lean startup et l’artisanat logiciel. Depuis plus de 10 ans, j’essaye de transformer le travail en un jeu, faire progresser les développeurs et challenger les managers, poser des questions pour faire grandir les équipes.

Mija Rabemananjara

Je me définis comme une agilitatrice apprenante car j’agite pour décoller la pulpe et j’agilise pour que la pulpe puisse révéler tout sa saveur (no offense, ceci est une métaphore). La petite flamme de vos collaborateurs semble s’éteindre ? Besoin d’un nouveau souffle, d’une petite brise pour attiser la flamme ? Autrement dit, j’accompagne les organisations pour libérer le potentiel de chacune des personnes de l’organisation ; aider à mettre en place le cadre propice à l’expression de chacun dans la confiance, la contribution et le développement de ses compétences. Tout cela m’inspire, m’apprend plein de nouvelles choses et me motive. 

J’interviens en ce moment pour une entité qui veut évoluer vers un fonctionnement plus agile. J’agis sur le changement culturel, le coaching d’équipe, le coaching de managers, la mise en place de communautés de pratiques, de sessions de partage, d’ateliers/formations sur des sujets variés (communication non violente, getting things done, facilitation d’ateliers, etc.). Sûrement d’autres choses à venir. 

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