Cet article s’inscrit dans une série sur l’organisation apprenante chère à Peter Senge : Les 5 disciplines de l’organisation apprenante, La maitrise personnelle, Les modèles mentaux, L’apprenance en équipe, La vision partagée et La pensée systémique. J’y parle plus de ce qui raisonne en moi que d’une synthèse du livre.
Sémantique
Pour commencer, il me semble nécessaire d’expliquer ce que j’entends par la mot vision et de l’opposer au mot but :
- Le but (ou mission) définit le pourquoi. C’est la réponse d’une organisation à la question « pourquoi j’existe ? ». Le but est l’équivalent d’une direction plus du domaine de l’abstraction.
- La vision définit le quoi. C’est une représentation du futur préféré. La vision est une direction précise et concrète. Je suis capable de décrire des comportements constatés.
But et vision sont intimement liés et s’alimentent mutuellement : la vision est évolution possible, le but est une projection plus lointaine.
La cascade
Dans les organisations centralisées, la vision est définie en haut puis cascadée dans une structure hiérarchique pyramidales. Cela génère plusieurs problèmes :
- Le sens a tendance à se perdre au fur et à mesure de la cascade. Arrivé en bas, il ne reste souvent que la mesure.
- Si la vision a du sens en haut, cela n’est pas nécessairement vrai en bas. Si la vision n’est que cascadée et pas déclinée, il en résulte que le bas de la structure n’a pas d’objectif propre. Cela a un effet négatif fort sur l’engagement qui devient plus de la conformité que de l’engagement.
- La vision est une évolution possible. En cas d’impossibilité d’exécuter cette vision, il y a très peu de chance que l’information remonte correctement.
Côté positif la vision ayant été définie à un seul endroit, la cohérence est assurée de facto. Par cohérence, je parle principalement d’initiatives qui pourraient être incohérentes entre elles et donc inefficaces.
La sublimation
Pour ceux qui ne sont pas des spécialistes de physique, la sublimation est le passage direct de l’état solide à l’état gazeux. Quand cela arrive, cela dégage beaucoup de vapeurs avec un mouvement de bas en haut. C’est la métaphore que j’utilise pour représenter comment la vision d’une organisation peut être la somme de toutes les visions par un phénomène d’agrégation. En résumé, ça vient du bas et ça remonte.
Pour reprendre les propos de Peter Senge, il parle de deux sources d’énergie qui peuvent motiver une organisation : La peur ou l’aspiration. La peur produit des résultats extraordinaires sur des périodes courtes, mais l’aspiration est une source continue d’apprentissage et de croissance. Je pourrais aussi parler du modèle de Dan Pink sur la motivation personnelle : But, autonomie et maitrise. A partir d’une vision qui vient du bas, je “génère” de l’engagement. Si je sais où je vais et que j’ai l’information et la compétence pour le faire, je vais être capable d’accélérer les rythmes de prise de décisions.
Si chaque personne de l’organisation sait quel est son but et peut agir en conséquence, il vient alors la question du système : Est ce que la somme de toutes les parties produit un résultat supérieures à toutes les parties prises séparément ? Dis autrement, je parle de la question de la complémentarité des visions individuelles.
Relier les individus
C’est pour cela que l’on dit souvent qu’une vision partagée d’organisation est émergente. Elle est le résultat de la prise en compte des visions personnelles (bottom/up) et de la déclinaison d’une vision d’ensemble à tous les niveaux de l’organisation (top/down). Chaque personne quelque soit sa place dans l’organisation sait comment la vision se décline à chaque niveau de l’organisation. Elle sait ce qui doit être fait. Cela permet à l’organisation (apprenante) de s’adapter vite. Je ne relis pas que les visions de sous ensemble de l’organisation, mais bien aussi des personnes qui la composent. Je relis les individus entre eux avec des relations qui doivent vivre. Il est normal que les visions bougent.
Une organisation ?
Je garde la question d’ouverture pour la fin. Je parle d’organisation apprenante, mais de quelle organisation est ce que je parle ? Il n’y a pour moi de moins en moins de bijection entre mon employeur et mon organisation. Je fais partie de plusieurs organisations en même temp : mon employeur, mon client, mon club de sport, mon association de coachs,… Chacune de ces associations à sa vision (partagée) dans laquelle je m’inscris ou pas. Cela m’est déjà arrivé par le passé avec un club de badminton qui voulait aller plus vers de la compétition niveau national alors que ma vision était plutôt la compétition loisir. Je ne me retrouvais plus dans la vision de cette organisation et je suis donc allé dans une autre. Je suis dans plusieurs organisations qui ont chacune leur vision mais dans lesquelles je me retrouve avec des comportements différents dans chaque organisation. Et c’est normal.
Je ne vois d’ailleurs pas de différence entre des organisations hiérarchiques, holacratiques, produitistique :-),… Il y a une déclinaison de la valeur à chaque niveau qui va permettre à chaque personne de savoir ce que l’on attend d’elle en réconciliant vision personnelle et vision globale.