Cet article peut s’insrérer dans une série sur l’organisation apprenante chère à Peter Senge : Les 5 disciplines de l’organisation apprenante, La maitrise personnelle, Les modèles mentaux, L’apprenance en équipe, La vision partagée et La pensée systémique.
Ça vous est déjà arrivé d’appuyer sur l’accélérateur et que rien ne se passe ? Dis autrement est ce que vous avez déjà essayer d’avoir un impact mais qu’au final autre chose se produise ? Et bien c’est toute la question autour de la systémique, comprendre la big picture pour arriver à l’effet souhaité et limiter les effets de bord. L’article est basé sur le livre Thinking in Systems de Donella Meadows.
Vous avez dit système ?
Un système c’est avant tout un modèle pour nous aider à mieux comprendre. C’est la représentation que l’on se fait de comportements constatés. Dans quels cas sommes nous en face d’un système ? Voici quelques questions pour vous aider :
- Pouvez-vous identifier des parties?
- Est-ce que les parties sont interconnectées et dépendantes les uns des autres ?
- Est-ce que toutes les parties ensemble produisent un effet différent de toutes les parties prises séparément ?
Si vous avez répondu oui à toutes les questions, vous êtes en face d’un système. Pour résumer, un système c’est plus que toutes ses parties. Revenons à ma voiture. Elle est constituée de roues, d’un moteur, d’un volant,… Si je prends toutes les parties une par une, j’ai des effets unitaires mais pas une voiture qui roule. Ce n’est qu’en mettant toutes les parties à travailler/communiquer ensemble que j’ai une voiture avec comme effet d’avancer. Un système peut être vu comme une boite noire avec des entrées, des sorties et une ou des fonctions.
Pourquoi les systèmes nous surprennent ?
La pensée non linéaire.
Quand l’effet global n’est pas égal à la somme de tous les effets locaux, nous sommes dans le domaine du non linéaire. Je ne peux comprendre l’impact d’un système en l’analysant par partie élémentaire. La systémtique part aussi du principe que l’analyse une cause produit un effet est naïve et qu’elle ne correspond que peu à la réalité. En systémique, il est plus question de boucles. Exemple : Mon fils progresse bien à l’école, je le félicite, il a encore plus confiance en lui, il progresse encore plus. Une des questions récurrentes est : Si A est la cause de B, est ce que B est la cause de A ? Je suis surpris par l’effet boomerang.
Effet retard
Je vais commencer par une petite digression sémantique, il n’existe pas de notion d’effet de bord en systémique. Il y a juste des effets. C’est notre filtre qui décide si ces effets sont bons ou mauvais. Quand j’ai commencé à conduire, c’était avec une Renault 9. Maintenant j’ai une 308 SW et je peux vous dire que je n’ai pas la même conduite avec les deux et ce n’est pas l’effet SW. Quand j’appuyais sur la pédale de frein, est ce que ma voiture freinait direct ? Et bien pas vraiment, il y avait un décalage entre les deux évènements. C’est un effet classique et très piégeux des boucles de feedbacks. J’ai vu le cas il y a quelques temps sur un périmètre que j’accompagnais. Pour aller plus vite, ils ont arrêté le pair programing et le code review avec un passage en mode expert. Sont-ils allés plus vite ? Durant 2 mois oui. Ensuite, l’application a pétée de partout et ils sont limite revenus deux mois en arrière. Je suis surpris car je ne vois pas tout de suite les conséquences de mes actes.
Ligne d’horizon
Si on fait le parallèle avec les organisations, cela veut dire que si toutes les entités d’une organisation sont performantes cela ne veut pas dire que l’organisation au global va l’être. J’entre là dans le domaine de la rationalité limitée (bounded context) dis autrement cela correspond un peu à la visibilité en plongée sauf qu’il s’agit cette fois d’une limite mentale. J’ai une limite de compréhension au-delà de laquelle je ne comprends plus. Je suis surpris par ce qui dépasse ma limite de compréhension.
Frontières
Est-ce que je suis capable de tracer la frontière entre la mer et la plage ? Pas vraiment, ces saletés de vagues bougent. Dans le monde de l’entreprise, c’est un peu pareil. Comme le monde bouge, les frontières aussi. Sur le papier le process marche bien, dans la pratique je tombe dans des trous non prévus. Les frontières ne sont que la représentation d’un modèle. Je suis surpris quand la réalité ne correspond pas à mon schéma de pensée.
Ou intervenir ?
La question suivante, c’est comment passer d’un mode « je subis la vague » à un mode « je la surfe » ? Pour intervenir sur un système, Donella Meadows propose différents points de levier pour modifier le comportement d’un système :
1. Constantes et paramètres
J’essaie de comprendre le système. Qu’est ce qui se passe si je fais ça ? En gros, je vais chercher les options de réglage qui changent le comportement du système.
2. File d’attentes
Au sein de mon système, que se passe-t-il si je change la taille des files d’attentes ? Je peux par exemple limiter la taille du stock entre deux étapes. C’est une des pratiques cœur de Kanban que de limiter l’encours dans un système. Cela a souvent pour effet d’augmenter le débit et diminuer le temps de cycle.
3. Structure
Que se passe-t-il si au lieu de brancher cette partie à cette partie, je passe d’abord par cette autre ? Cela part du principe que je suis capable d’identifier des sous-ensembles . Par exemple au lieu faire des tests de sécurité à la fin du process de développement, je vais les remonter vers la gauche et les faire au même moment que les tests fonctionnels.
4. Effets retard
Puis-je faire que ma voiture freine tout de suite ? Il s’agit majoritairement de réduire les effets retard. Je vais par exemple essayer montrer plus souvent mes développements aux utilisateurs et obtenir leurs feedbacks au plus tôt.
5. Boucles de feedbacks (renforcement et équilibre)
Il s’agit de la partie la plus connue de la systémique. Je vais tracer des beaux graphes avec des boucles de feedbacks. Faire cela me permet de mieux comprendre ce qui se passe et donc de comprendre où il faut agir. Cela ne sert à rien de former plus les développeurs au testing (boucle de renforcement) pour améliorer la qualité de l’application si dans le même temps je mets la pression sur les dates pour livrer au plus tôt quel que soit la qualité (boucle d’équilibre)
6. Flux d’information
Que se passe-t-il si j’informe la partie précédente dans le système que j’ai bien reçu sa demande mais que je ne peux la traiter car trop de demandes en cours ?Il est probable qu’elle diminue le nombre de demandes qu’elle m’envoie. Ce que je suis en train de faire en améliorant la communication à l’intérieur de mon système, c’est de repousser ma limite de rationalité.
7. Auto-organisation
Est-il besoin d’avoir un être omniscient capable de réorganiser les sous parties d’un système ? La réponse est dans le question. J’arrive à des points de levier plus méta. Je donne la capacité à mon système à se réorganiser seul tant que je ne touche pas aux entrées, sorties et fonctions du système.
8. Fonctions/Services
Finalement, je comprends que le système tel qu’il est ne répond pas à la bonne question. Je vais alors changer la boite noire dans son ensemble. J’adapte le système à ce que je veux en faire maintenant.
9. Paradigme
C’est le dernier méta de méta. Je me rends compte que mon système est basé sur un mauvais paradigme comme un management de type prévoir et contrôler. Comme le monde change, je pense qu’il faut passer à un mode ressentir et répondre. Quand on change un paradigme, il est rare de remettre en cause un seul système. C’est plutôt le mode je casse tout et je refais. Ca ne veut pas nécessairement dire que je fais la révolution, je peux changer de manière incrémentale.
J’espère vous avoir donner quelques clés pour tomber moins souvent dans les pièges de la systémique. Si vous souhaitez creuser, je vous reconseille le livre Thinking in Systems de Donella Meadows. Si 200 pages vous rebutent, vous pouvez aussi me bipper.